Publié le 22 octobre 2019 sur LE VILLAGE DE LA JUSTICE (www.village-justice.com)

Sur l’appel d’une partie, l’avocat adverse se constitue pour deux autres parties. Puis, s’apercevant qu’en fait il n’avait mandat que pour l’une des deux parties, il écrit au greffe de la Cour pour lui indiquer que c’était par erreur qu’il s’était constitué pour l’une des deux parties.

Un nouvel avocat s’étant constitué par la suite pour celle-ci soulève la caducité de l’appel faute pour l’appelant d’avoir signifié à son client sa déclaration d’appel dans le mois de l’avis du greffe. Il lui est répondu par l’appelant que du fait de la constitution d’avocat faite pour les deux parties intimées, il n’avait pas à signifier sa déclaration d’appel. En effet, l’article 419 du C.P.C. énonce expressément qu’en matière de représentation obligatoire un avocat reste constitué tant qu’un nouvel avocat ne s’est pas constitué. Il importe peu que cette constitution soit intervenue par erreur et que le conseil de l’appelant en ait été informé.

Le Conseiller de la mise en état estima dans son ordonnance que la constitution contestée était manifestement le fruit d’une erreur de manipulation du RPVA et que l’appelant en avait été d’ailleurs informé dès le lendemain, ce qui fait que dans ses conclusions il n’avait pas mentionné le nom de cet avocat. Selon lui, cette constitution par un avocat dépourvu du pouvoir de représentation constituait une irrégularité de fond, qui faisait grief, de sorte que faute de constitution régulière il incombait à l’appelant de faire signifier sa déclaration d’appel dans le délai d’un mois de l’avis du greffe.

Dans sa requête afin de déféré, l’appelant invoqua le fait que l’auteur d’un acte ne pouvait se prévaloir d’une irrégularité provenant de son fait, puisque l’exception de procédure constituait un moyen de défense. Il ajouta que la nullité de la constitution ne pouvait pas être prononcée par le Conseiller de la mise en état du fait qu’entretemps un nouveau confrère s’était constitué, ce qui faisait que l’irrégularité de fond avait été couverte.

La Cour d’appel considéra que l’intimé n’avait pas renoncé à se prévaloir de la nullité de fond et qu’une telle nullité n’était pas susceptible d’être couverte au sens de l’article 121 du C.P.C., l’intimé n’étant pas valablement représenté jusqu’à la constitution du second avocat.

A l’appui de son pourvoi, l’appelant tout d’abord rappela que le principe de sécurité juridique interdisait de déclarer rétroactivement opposable à l’appelant la nullité de la constitution d’avocat régularisée au nom de l’intimé. Le principe de sécurité juridique impose en effet la prévisibilité de la règle de droit et fait partie des droits protégés par la Cour Européenne des Droits de l’Homme au titre du droit à un procès équitable.

Ni l’appelant, ni son conseil n’avaient donc à se faire juge, à la date d’expiration du délai pour signifier la déclaration d’appel, de la régularité de la constitution de l’avocat de l’intimé. Il n’y avait donc aucune obligation de signifier la déclaration d’appel à l’intimé.
Dans une deuxième branche du pourvoi, l’appelant soutint que l’irrégularité de fond que constituait le défaut de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice pouvait être couverte si sa cause avait disparu au moment où le juge statue.

Finalement, la Cour de cassation a dans un arrêt du 10 janvier 2019 (pourvoi no V 16-10.202) cassé l’arrêt sur cette deuxième branche du pourvoi en estimant d’une part que la première constitution d’avocat était restée valable jusqu’à ce qu’elle soit déclarée nulle et d’autre part qu’à la date à laquelle la nullité a été prononcée l’irrégularité de fond, résultant de ce que l’avocat constitué n’avait pas le pouvoir de représenter l’intimé, était déjà couverte par la constitution d’un nouvel avocat de sorte que l’appelant à aucun moment ne s’était trouvé dans l’obligation de signifier la déclaration d’appel à l’intimé.

Tout d’abord, la possibilité de régulariser une irrégularité de fond tirée de l’incapacité de représenter une partie avait déjà été admise par la Cour de cassation.

Ensuite, celle-ci a rappelé dans son arrêt qu’un acte de procédure restait valable tant que sa nullité n’avait pas été prononcée. En conséquence, à partir du moment où à l’expiration du délai de signification de la déclaration d’appel la constitution n’avait pas encore été déclarée nulle, il ne pouvait être reproché à l’appelant de ne pas avoir signifié sa déclaration d’appel. Il peut donc en être déduit que même si par la suite n’intervenait pas une régularisation avec la constitution d’un nouveau confrère, il ne pouvait de toute façon pas être reproché à un appelant de ne pas avoir signifié sa déclaration d’appel.

G. NARRAN